Roussillon : le sentier des ocres

On dit du Luberon qu'il est une montagne magique. Il est vrai que son charme est envoûtant. Les chemins musardent parmi les vergers, les vignobles vont à la rencontre de petits villages perchés sur leurs collines , embaumés de merveilleux parfums.

Nous avons découvert cette région ; errer dans les rues étroites des petits villages aux couleurs d'ocres et de lavande, entendre les cris des marchands et des joueurs de pétanque, le chant des cigales quand le soleil donne, la mélodie ambiante des accents du sud nous a laissé d'innombrables souvenirs.

L'ocre

la composition de l'ocre

sa fabrication

son utilisation à travers les siècles

Le renouveau de l'ocre

Le plan de relance

Le développement du tourisme

Conclusion

 

 

 

 

 

I l'ocre ( renseignements obtenus au conservatoire des ocres et ouvrage "luberon images et signes , ocres et ocriers du pays d'Apt " EDISUD " ,divers ouvrages touristiques étudiés en classe et la passion de notre maîtresse. )

1 - 1 La composition de l'ocre

Ocre vient du mot ôkhra qui signifie ' terre jaune ' mais les ocres du Vaucluse présentent une infinie palette de nuances passant du jaune pâle au rouge vif par de multiples orangés. Ces teintes sont dues à un pigment minéral : un hydroxyde de fer appelé " goethite " dont les cristaux sont toujours étroitement associés à une argile très pure : la kaolinite " . C'est l'association de ces deux minéraux qui constitue véritablement l'ocre , matériau noble et naturel.

Les ocres sont des substances naturelles connues et utilisées depuis la préhistoire à cause des propriétés essentielles de couleurs qu'elles fournissent ( inaltérité aux rayons solaires , grand pouvoir colorant ..).

 

1 - 2 Sa fabrication

On raconte que les premiers producteurs d'ocre lavaient le minerai sur les lieux d'extraction dans des pétrins où les blocs bruts étaient plongés dans l'eau. Cette eau qu'on allait chercher parfois très loin était transportée dans des tonneaux montés sur roues. Le mélange de minerai et d'eau était malaxé à bras et l'ocre surnageant envoyée dans un bassin creusé à même le sol. Après séchage, le produit était écrasé à l'aide de rouleaux de pierre utilisés au " dépiquage " du blé . Légendaire ou non , cette évocation décrit les différentes phases de la fabrication de l'ocre : lavage , décantation , séchage , broyage.

Les techniques employées pour chacune des ces opérations ont évolué grâce à la mécanisation et à l'électrification mais les éléments naturels continuent d'y tenir un rôle prépondérant et demeurent les meilleurs atouts du traitement de l'ocre : l'eau en abondance , le vent , le soleil.

 

Le minerai brut d'extraction doit subir un premier traitement , le lavage pour séparer l'ocre marchande des sables inertes ; opération délicate si l'on considère que pour prétendre à la pureté , la teneur en sable ne doit pas excéder 1,5 °/.

L'exploitation dépend toujours du temps plus précisément des sécheresses estivales . Tous les moyens étaient mis en oeuvre pour la recherche de l'eau indispensable à cette opération. Le sable le plus grossier se déposait le premier dans ces rigoles tandis que les autres particules , plus fines et plus légères continuaient leur course vers les reposoirs, labyrinthes constitués de chicanes de pierre où les dernières impuretés finissaient de se déposer.

L'eau qui ne charriait plus que de l'eau pure était alors dirigée vers les bassins.

 

La décantation et le séchage constituent l'étape la plus spectaculaire du cycle. Entièrement tributaire des éléments naturels , elle n'a encore subi aucune modification. Les cuves , grands bassins d'une centaine de mètres carré où s'opère la décantation de l'ocre. L'eau chargée d'ocre pure est renvoyée dans les bassins, où elle repose plusieurs jours.

Pendant la nuit, l'ocre insoluble dans l'eau se dépose par gravité au fond du bassin

( 3 à 5 cm) . Lorsque la couche d'ocre atteint 70 à 80 cm , l'alimentation du bassin est stoppée et le dépôt abandonné à l'action du soleil et du vent. Quand l'ocre prend une consistance pâteuse, elle est " carrelée " . Elle se présente alors sous forme de briquette. posée autour des bassins en murets réguliers. Les briquettes d'ocre terminent de sécher en profondeur. l'ocre parfaitement sèche part à l'usine pour un dernier cycle de préparation.

Paul Emile Cadillac a bien décrit l'ambiance et les phases du travail dans les usines d'ocre.

" L'usine imbrique toute une suite de hangars auréolés de poussières et de bruits... meules et broyeurs tournent , les élévateurs amènent des pavés jaunes et rouges , un tic-tac énorme de moulin dans un nuage finement bluté . Plus loin , une batterie de fours où l'on transforme l'ocre jaune en ocre rouge; ailleurs les ateliers où l'on dose des ocres pour obtenir les tons et les nuances .."

Le broyage par les moulins , le blutage ( tamis ), la cuisson ; le cycle de l'ultime transformation de l'ocre emprunte aux techniques traditionnelles. Mais le blutage se heurtait à de grosses difficultés techniques et il a été remplacé par le broyage électrique.

La cuisson permet de transformer l'ocre jaune en ocre rouge. Selon la température on peut obtenir une grande variété de nuances de rouges. L'ocre fine était autrefois conditionnée en barils ou en sacs. En 1926 , la France expédiait 50000 barils de 50 à 250 kgs. Aujourd'hui l'emballage se fait essentiellement dans des sacs de papiers kraft de 25 kgs.

 

1 - 3 Son utilisation à travers les siècles

Les enfants qui avec délice se barbouillent des couleurs offertes à profusion lorsqu'ils se promènent dans les carrières d'ocre retrouvent sans le savoir un réflexe vieux de 70 000 ans.

Les trouvailles d'ocres préhistoriques les plus anciennes remontent en effet au paléolithique moyen. A cette époque , l'ocre était utilisée à des fins rituelles et magiques ; peintures corporelles , coloration d'objets du mobilier funéraire . Ce n'est que plus tard , au paléolithique supérieur que l'ocre fait son entrée pour ne plus le quitter dans le domaine artistique, d'abord à l'état naturel puis à partir de 3000 ans avant J.C , calcinée. Les ocres constituent un des pigment essentiel des peintures pariétales de Lascaux.

Au cours des siècles suivant, s'épanouit une forte tradition de l'emploi en badigeons intérieurs ou en enduits extérieurs dans l'architecture religieuse , civile , rurale et urbaine.

Cette pratique existe du XVI ème au XX ème siècle et donne à l'architecture traditionnelle ce charme discret dont le secret se perd peu à peu , en même temps que disparaissent leurs dépositaires , riches d'un savoir-faire que l'on s'emploie maintenant à ressusciter de l'oubli.

La révolution industrielle va permettre aux ocres de se développer.

 

La révolution industrielle née en Angleterre à la fin du XVIII ème siècle va donner à la production d'ocres un essor sans précédent.

Ce minerai est devenu au cours du XIX ème la charge minérale colorante la plus utilisée pour la fabrication de différents produits : bracelets élastiques, chambres à air, bottes en caoutchouc , rondelles rouges pour les bocaux, filtres à cigarettes, fond de teint, papiers et cartons colorés , peintures ...

Les usines du Vaucluse vont alors considérablement se développer et exporter dans le monde entier.

Avec le XX ème siècle , arrive la production de masse et ses corollaires : standardisation, régularité dans les propriétés physico-chimiques des couleurs. C'est alors que les industriels vont faire un choix fondamental ; à savoir dissocier la charge minérale ( qui reste indispensable ) et la couleur. Ils choisissent d'utiliser des carbonates de calcium blancs, colorés grâce aux nouveaux produits issus de la jeune industrie chimique en pleine expansion.

Dans les années vingt, trois événement vont précipiter la chute de la production d'ocre.

- la perte de tous les marchés de l'est en 1918

- l'apparition des oxydes de fer synthétique en 1925

- la crise économique américaine qui désorganise le marché.

La perte conjointe de marchés industriels et de marchés géographiques va rendre l'évolution irréversible. Les usines vont fermer les unes après les autres faute de débouchés et l'ocre va retrouver son niveau de production d'avant la révolution industrielle, celui qui nécessite une utilisation artisanale .

 

 

 

II le renouveau de l'ocre

La Provence est une terre de diversité ; ses mille paysages , son histoire et ses traditions sont ancrés dans le patrimoine de la culture universelle faisant d'elle une région qui fait rêver le monde. Classé " plus beau village de France " Roussillon recèle des merveilles à découvrir . S'il a vécu jadis intensément de la production de l'ocre , il se tourne désormais vers le tourisme. Un véritable pari est engagé par la région, celui de voir le développement harmonieux du tourisme et de l'industrie.

2 - 1 Le plan de relance

Un plan de relance des ocres a été engagé par les ocriers soutenus par le parc naturel régional du Luberon avec l'aide du ministère de la culture, de la faculté des sciences , de la chambre des métiers du Vaucluse.

Un grand mouvement d'intérêt se dessine depuis une dizaine d'année autour de ce thème, n'en voudrait pour preuve que l'activité des associations comme " lettres d'ocres " initiatrice en 1986 à Roussillon, de la fête de l'ocre et de la couleur. L'ocre dans sa construction constitue un des axes essentiels du plan de relance où la réflexion est conduite en liaison avec les architectes et les artisans. Colorer à nouveau nos villes et nos campagnes , faire chanter les paysages avec la palette qu'offre le nuancier des ocres naturelles , telle est leur volonté. Le ministère de la culture a engagé une équipe pluridisciplinaire afin d'étudier la pratique des enduits colorés. Depuis plusieurs années, la couleur revit dans les villes du sud . Les immeubles perdent leur " peau grise ".

Sur le plan industriel , la relance passe par une meilleure connaissance des gisements. L'inventaire effectué laisse entrevoir des ressources considérables. De nombreuses idées naissent afin d'en accroître leurs performances , d'améliorer la qualité et la compétitivité.

Sur le plan technique , la mise au point d'un mouvement technologique devrait permettre de libérer le processus de fabrication des contraintes imposées par les éléments naturels et d'assurer une production continue de quantité véritablement industrialisée ( ce à quoi J.M. Triat , professeur au laboratoire de d géologie de la faculté de ST Jérôme tente de répondre ) .

Sur le plan commercial , des efforts sont entrepris pour mieux adapter le produit à la demande.

C'est à Roussillon qu'a eu lieu la création du conservatoire des ocres et des pigments appliqués. Cet organisme , installé dans l'ancienne usine Mathieu est appelée à devenir un outil au service des utilisateurs de pigments naturels. C'est un lieu de rencontres et d'échanges ouvert aux professionnels ainsi qu'au public.

On y trouve divers ateliers d'initiation aux différentes techniques et des personnes compétentes font partager leur savoir-faire ancestral de l'ocre. Elles font mieux comprendre la difficulté du métier d'ocrier qui est analogue à celui des mineurs de notre région. L'usine Mathieu est sans contexte le plus beau fleuron du patrimoine industriel de Roussillon. Construite en 1921, elle rassemblait sur le même site un lavage très important ( 1000 tonnes par an) et trois moulins répartis dans deux bâtiments. c'est en 1988 , 25 ans après l'arrêt total de son activité qu'elle a été rachetée par la commune. Celle ci était désireuse d'y évoquer l'épopée ocrière qui a tant marqué les hommes et façonné le paysage. Le concept original a été défini par l'association Ôkhra. L'objectif principal est de contribuer à la sauvegarde et à la promotion des savoir-faire traditionnels liés à l'utilisation des pigments dans la peinture, le papier, le bois, le bâtiment, les cosmétiques. Des visites accompagnées permettent de comprendre les techniques de la transformation des sables ocreux en pigments purs.

2-2 Le développement du tourisme

 

Fernand léger disait à propos de la couleur " elle est un besoin naturel comme l'eau , le feu . Matière première indispensable à la vie "

Village d'artistes professionnels ou amateurs , Roussillon incite à la créativité , au désir de jouer avec ses multitudes de couleurs ou d'en créer d'autres dans de multiples techniques. La cité a bien compris combien ses privilèges pouvaient être à l'origine d'un nouvel essor et l'artisanat s'y est tout naturellement développé. De nombreux magasins présentent de nombreux coloris d'ocre en pigment. Aux néophytes comme aux plus spécialisés sont proposées des techniques anciennes : tempéra à l'oeuf , liant acrylique,colle , huile, cire , sable , ciment,plâtre.... Les artisans n'hésitent pas à conseiller ou expliquer le cheminement de leur propre création. Beaucoup de potiers s'inspirent des célèbres faïences d'Apt qui sont fabriquées avec les argiles kaolinitiques de la région.

Des sentiers de randonnées sont proposés sur des thèmes divers, en particulier la route des peintres de la lumière où l'aménagement du sentier des ocres d'où l'on ressort les yeux émerveillés et les pieds teintés de bonheur.

Mais Roussillon n'est pas que cela , elle est bien plus encore.

Ce qui caractérise Roussillon , c'est la couleur , vous l'aurez compris

 

Laissez votre imagination et vos sens s'épanouir.

Voilà, j'installe le décor. La route est sinueuse, le soleil éblouissant, le ciel bleu d'une intensité que seul Van Gogh a su traduire encadre le tableau qui s'offre sans pudeur. Roussillon , petite pancarte blanche projetée sur l'écran pourpre minéral est là. Et vous comprenez soudain pourquoi tant d'artistes ; écrivains, peintres , cinéastes se sont laissés séduire. Bien sûr , le village joue de ses charmes pour attirer le client mais comment ne pas succomber?

" Qui n'aimerait Roussillon , s'il aime la lumière , la couleur , l'ardeur , les vastes horizons et cette paix minérale des nuits étoilées du midi " Marie Moron

 

Vous vous garez près du sentier des ocres et déjà vous êtes séduits par le spectacle qui s'offre à vous. Chaque regard se pose sur un détail où sur l'immensité véritable incitation aux rêves et à l'évasion. De quelque côté que l'on aborde le village , les falaises dites de sang et d'or se dressent dans un paysage mouvementé de ravins profonds, de pics impressionnants, d'aiguilles aiguës et multicolores. Il faut admirer ce site protégé , le front dense des maisons aussi colorées que les terres qui les entourent. A l'est comme à l'ouest, le regard est irrésistiblement attiré par les falaises vertigineuses aux teintes flamboyantes .

 

Perché au coeur des gisements maintenant en sommeil, le village est un lieu magique où les combinaisons d'oxydes confèrent à ses ocres une infinie variété de couleurs . Celles ci se retrouvent dans le paysage et les façades des maisons. Avec une histoire qui prolonge ses racines dans un passé millénaire, son charme est dans le dédale des ruelles et placettes colorées.

Nous voici maintenant à l'orée du village . Irrésistiblement , les yeux se portent sur une fresque peinte à même une porte ancienne.Les couleurs rappellent les tableaux italiens où se mêlent terre de sienne , vert véronèse associés aux ocres délicats. Au loin , une place ronde comme les mamelons chéris par Giono invite à poursuivre la visite. Cet endroit dégage quelque chose de particulier , difficile à exprimer avec des mots . Tout semble en harmonie et cette sérénité s'offre à nous, nous communique sa chaleur . Pourtant on pressent un lourd passé, une histoire douloureuse , la tragédie d'un village pris au piège des tourments religieux ou économiques. Personne n'en parle . Le campanile de l'église qui se détache sur l'azur , le temple austère qui se cache sous les figuiers, les sculptures des portes et les façades sont les témoins de l'histoire du Luberon où l'homme malgré l'horreur a su laisser sa trace toute de beauté et d'humilité.

Prenons un instant , asseyons nous à l'une de ses jolies terrasses ombragées et admirons en silence car nul mot ne peut traduire le sentiment de plénitude qui nous envahit à notre insu. Le soleil joue de sa lumière, les couleurs changent et prennent un aspect étrange et métallisé. Le décor est en train de se métamorphoser ; il est là depuis des siècles et pourtant à chaque instant il est en mouvement. Il se transforme au gré des cadrans solaires qui marquent le temps des maisons. Les vitrines des boutiques appellent un art de vivre simple et raffiné. Partout des enseignes d'artisans convient à découvrir les merveilles nées de l'ocre.

Bien sûr c'est touristique , bien sûr on voit de grosses voitures étrangères et parisiennes qui sont ici parce que le village est classé . Qu'importe, cela n'ôte rien à la richesse des émotions qui s'inscrivent au plus profond du coeur tel un trésor de jouvence. Les parfums des abricotiers , des figuiers, de la vigne mêlés aux odeurs de cuisine du sud avivent les sens . Vous ne partirez pas indemne de cette visite , vous serez silencieux , calme , serein car tant de beauté ne peut qu'embellir l'âme. Vous n'aurez qu'une seule envie , c'est de vous approprier Roussillon en rêve , en faire votre île , votre jardin secret .

 

CONCLUSION

Vous savez tout des ocres, de son histoire , de sa fabrication et utilisation. Vous connaissez les difficultés de son exploitation et de son commerce. J'espère vous avoir fait partager mon " coup de coeur " et vous avoir donner envie de visiter Roussillon et tout ce qui l'entoure . Car les ocres , les villages perchés ne sont qu'une partie infime de ce que vous proposent le Luberon et la Provence toute entière . Il existe une multitude de lieux chers à mon coeur , endroits cachés qu'il faut découvrir avec les yeux, le coeur et tous les sens en éveil. Je sais où ils sont mais je ne vous dirai pas tout , à vous de découvrir .

 

"Multiple et secrète , la Provence est un chant d'amour , nul ne peut y rester insensible. Qui l'aime , aime le monde ou n'aime rien."

Jean Giono